Villepreux – Saint Vincent de Paul

Labelisée « patrimoine du 20éme siècle »

Cette église a été conçue par l’architecte Roland Prédiéri et décorée par le sculpteur Robert Lesbounit. Bâtie après 1905, elle est à la charge des paroissiens et de l’Evêché de Versailles tant pour le financement de la construction que pour son entretien.


Historique

L’église a été bâtie en 1966 en même temps que le quartier de la Haie-Bergerie, et inaugurée en 1967. Elle est insérée dans un immeuble en U et seule la façade est visible de l’extérieur. Ce choix a été fait non seulement pour des raisons économiques mais c’est aussi tout un un symbole. L’église est au centre de la vie des paroissiens et placée au cœur de la ville qui se développait.

La décoration est inspirée de deux livres de la Bible : la Genèse (le premier) et l’Apocalypse de Saint Jean (le dernier).

Elle est dédiée à Saint Vincent de Paul car il fut le précepteur des enfants de la famille du Seigneur de Gondi en 1613 et c’est à Villepreux qu’il créa sa première maison de Charité en 1618.


La façade

Elle a été exécutée par Robert Lesbounit (1904-1984), sculpteur spécialisé dans les œuvres monumentales de fresques gravées sur ciment. Sur 300 m2, on peut découvrir  un ensemble de symboles figuratifs qui s’articulent autour de quatre thèmes : 

  • Les grandes étapes de la vie de Saint Vincent de Paul
  • L’annonce de la venue du Christ
  • L’hommage aux bâtisseurs
  • Le prologue de l’Apocalypse de Saint Jean

L’enduit est travaillé pour la journée, tant qu’il est frais (fresco veut dire « à la fraiche »). On ne peut pas abandonner le travail tant que l’enduit est frais.


Regardons d’abord dans l’axe vertical de la porte

Le monogramme christique : Symbole du Christ à l’origine et à la fin de toute chose : cercle contenant l’alpha et l’oméga d’où partent les flammes qui symbolisent les 72 langues de feu de la Pentecôte et qui affirment le feu sacré de l’Amour divin.

 Les quatre évangélistes : à gauche : Saint Luc (taureau) et Saint Matthieu (homme) et à droite Saint Jean (aigle) et saint  Marc (lion).

 Deux inscriptions :

  • En latin, un hommage à St Vincent de Paul : Deo om in honorem sancti vincentii a paolo
  • une parole du Christ : « Je suis la porte et celui qui entre par moi sera sauvé »

Les douze colombes entourant la porte symbolisent les douze apôtres

La spirale cosmique suggère la coquille d’escargot : C’est le symbole de la résurrection chez les chrétiens. Elle est reliée par la voie lactée (qui fait le lien entre la lune et le soleil) et qui nous oriente vers l’hommage aux bâtisseurs.


Puis à droite de la porte, l‘hommage aux bâtisseurs

Le sigle des bâtisseurs de Vézelay est représenté par le Christ en gloire, entouré, à sa droite de la Vierge, à sa gauche de Saint Jean et à ses pieds de Marie Madeleine, qui sont les patrons des bâtisseurs.


Enfin à  gauche de la porte, le prologue de l’Apocalypse de Saint Jean

Ce prologue relate la vision de Jean dans le désert de Patmos, en Asie Mineure. Elle est illustrée par différents symboles tous décrits dans le Prologue et non choisis par hasard. Dieu à Jean : « ce que tu vois, écris le ».

Le chandelier à sept branches, objet caractéristique du culte juif, il représente la présence perpétuelle de Dieu. Le chiffre 7 est souvent présent dans l’Apocalypse car c’est le chiffre de la plénitude.

La chevelure (signe de puissance) au vent du personnage à gauche indique qu’il est consacré à Dieu. Il figure le Christ inspirant Jean qui écrit aux sept églises d’Asie Mineure (Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée).

Sur la fresque, l’artiste a actualisé son message par des églises de France : Saint Benoit sur Loire, Notre Dame de Paris, Chartres, Tours à Toulouse, Fontenay en Bourgogne, la Solitude du Grand Condé, et Ronchamp. Cela veut dire que le message de Jean est toujours d’actualité et universel, envoyé à tous.

Les sept étoiles disséminées dans la fresque figurent le chemin des étoiles présenté dans la vision de Saint Jean. Les réalités de la terre ont leur double dans le monde céleste.

La colombe, annonciatrice de la Paix, dans laquelle s’inscrit la Vierge montrant à l’enfant la porte du temple. A noter que l’enfant a les pieds croisés, ce qui annonce la croix. Elle est entourée de l’arbre cosmique qui est l’expression parfaite du mystère de la vie. L’arbre symbolise la prodigieuse croissance vers le ciel et la perpétuelle régénération. C’est l’expansion de la vie et la constante victoire sur la mort.

L’ancre dans laquelle est cachée la croix, est l’un des premiers signes chrétiens, Elle représente le Christ et les poissons représentent  les chrétiens.


Entrons dans l’église

Les fresques, œuvres de Robert Lesbounit, couvrent 600 m2 sur les deux murs latéraux et sont travaillées sur toile marouflée

Rappelons que Robert Lesbounit est un homme athée, non animé par la foi en Dieu, mais animé par la foi en l’homme qui sert la création. Il s’est fait aider par le Père Cosson, curé fondateur de la Paroisse de Villepreux,  dans le choix des thèmes de l’Apocalypse.

L’Apocalypse, est un mot qui fait peur car il est surtout employé quand arrivent des catastrophes naturelles, telles les raz-de-marée, les tsunamis, les explosions atomiques …

La décoration des murs est inspirée de plusieurs chapitres de l’Apocalypse, le dernier livre de la Bible. Cette oeuvre rapporte d’une manière symbolique la lutte des puissances du mal contre le bien et la victoire définitive de la vie sur la mort. L’Apocalypse décrit les fléaux qui s’abattent à l’époque sur le monde : famines, peste, maladies …

Bien que certaines scènes puissent être inspirées par les premières persécutions dont les chrétiens étaient victimes de la part des Romains, l’Apocalypse ne prédit pas l’avenir mais elle répond à l’inquiétude des fidèles devant la répression romaine et l’incertitude du retour promis du Christ. Cette oeuvre, loin d’être un livre d’épouvante doit être lue comme un message d’espérance dans l’épreuve.

Apocalypse signifie « révélation »,(dévoilement, ce qui doit arriver bientôt). C’est une manifestation de Jésus Christ présent dans l’histoire de son église et au monde malgrés les soubresauts de l’histoire. Actualisation du temps présent : la nouvelle création est en train d’arriver.

C’est le Christ qui confie, dans une vision, ce message à Jean exilé dans l’ile de Patmos en Asie Mineure qui est une ile réservée aux condamnés. Jean est chargé de révéler ce message aux diverses églises de la région et d’en témoigner : Message d’espérance et de fidélité à l’alliance entre Dieu et les hommes, dans l’attente du jour où toutes les nations conflueront vers la nouvelle Jérusalem.

Pour respecter la symbolique des nombres, fréquente dans le livre, sept sujets par mur ont été choisis, se rapportant à la victoire progressive du bien sur les forces du mal :

  • sur le mur de droite, au triomphe de l’Eglise
  • sur celui de gauche, au triomphe du Sauveur

Montons à la tribune

Pour bien voir les premiers sujets de chaque série. Notons que les éléments de la décoration ne sont pas choisis au hasard. Toutes les représentations se retrouvent dans le livre de l’Apocalypse mais ils ne sont pas représentés dans l’ordre chronologique de l’Apocalypse.

Mettons-nous face à l’autel, et regardons le mur de droite …

La bête, lesprit du mal qui représente le pouvoir impérial séduit même les élus de Dieu qui vont être tués par la méchanceté des hommes. Elle met à mort les témoins dont on ne voit que les mains.

Les deux témoins, à la fois témoins de Dieu et prophètes, les yeux levés, ils montent au Ciel et ressuscitent. Allusion au martyr de Pierre et Paul et à deux prophètes de l’Ancien Testament. Le témoin est celui qui a vu et qui transmet. Témoins d’un monde nouveau.

Les sept étoiles au dessus de l’épée symbolisent le Christ ressuscité, triomphant du démon (ou les 12 tribus d’Israël) ou les 12 apôtres).

Le dragon enchainé et vaincu : Satan est enfermé dans une croix, enchaîné. L’ange tient la clé : c’est le combat entre le bien et le mal. L’enfermement de Satan correspond à la défaite. Le dragon a 7 têtes, allusion aux 7 empereurs.

Les premiers chrétiens se sentaient poursuivis par le dragon (qui représentait l’empire romain). Découragés, ils doutaient de l’avenir. Jean proclame sa fidélité à Dieu et à son Alliance.

La femme et le dragon, il ne s’agit pas uniquement de la Vierge Marie, mais de l’église souffrante en butte aux attaques du démon. C’est aussi le signe de l’enfantement à un monde nouveau

Cette image a été reprise par différents artistes, notamment par la tapisserie de Lurçat à Angers, la Chapelle du Plateau d’Assy (peinture dans le chœur. La femme enveloppée de lumière évoque le peuple élu dans lequel est né le Messie. Le dragon balaie les étoiles.

Le grand jugement : l’homme assis sur un trône ouvre les livres de vie et de mort tandis que les sauvés glorifient Dieu et que les damnés figurés par de minuscules points disparaissent dans l’étang de feu.

La Jérusalem ancienne était le signe du rassemblement du peuple de Dieu. Dans la figuration de la ville, on note un double caractère : la sécurité assurée par les remparts pour protéger les habitants et l’ouverture au monde par les portes.

Les douze portes sont  attribuées aux 12 tribus d’Israël et aux 12 apôtres; elles sont ouvertes pour que les nations puissent y affluer et  échapper à la souffrance et à la mort.

Les trois étoiles plus importantes représentent la Trinité concrétisant la présence de Dieu parmi les hommes.

Les tourbillons représentent le souffle des âmes qui arrivent à la Nouvelle Jérusalem. Les traits noirs signifient que Dieu a mis de l’ordre. Il n’y a pas de temple. La Jérusalem nouvelle : maintenant, l’Eglise est appelée Jérusalem nouvelle. Son achèvement parfait sera le rassemblement des saints, dans le bonheur et la gloire de Dieu, symbolisé par la multitude des étoiles.

L’église repose sur les fondements des apôtres et des prophètes. C’est pourquoi la Jérusalem céleste est l’église reposant sur les 12 apôtres et les 12 tribus d’Israël. Saint Jean s’inspire de plusieurs passages de l’Ancien Testament, L’Apocalypse veut marquer la continuité entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre le premier peuple de Dieu et le nouveau


Puis regardons le mur de gauche

Les trompettes Les anges sonnent la trompette pour annoncer tout à la fois, les châtiments qui vont s’abattre sur les hommes, le rassemblement du peuple dispersé d’Israël et l’appel à la conversion.

Le livre des Sept Sceaux : un sceau est une marque. C’est le signe des élus. Le livre qui contient l’alpha et l’oméga, s’ouvre et laisse s’échapper les 7 sceaux ; ils vont protéger les hommes de tous leurs malheurs. L’apparition successive des sept sceaux indique que le Christ est maître de l’histoire, maitre du temps . L’ouverture des 7 sceaux signifie la liberté de l’homme.

Les sceaux sautent comme les cataclysmes sautent.
Les fléaux rappellent les 7 plaies d’Egypte.
Le rouleau : on ne tourne pas la page, on déroule la page.
Les cavaliers : l’un sur un cheval noir tient une balance. Il représente le Christ et la justice et annonce les richesses de la terre. L’autre sur un cheval de couleur de feu (roux) est armé d’une épée et vient ôter la paix aux hommes.

Les deux bêtes : l’une avec 10 cornes et 7 têtes, assimilée aux puissances temporelles impose son pouvoir ; l’autre,représentant  les faux prophètes, annonce un salut sans Jésus Christ.

Les autres cavaliers : l’un, sur un cheval blanc et tenant un arc, vient vaincre le mal ; il sort vainqueur. L’autre symbolisant la mort apporte les fléaux à l’humanité.

Les sept coupes renversées font allusion aux sept plaies d’Egypte envoyées par Dieu car son peuple ne lui obéissait pas. Elles répandent sur terre des maladies, symbolisant la fureur de Dieu.

La croix en T est le signe du salut dont sont marqués les serviteurs de Dieu, ceux qui seront sauvés. Comme avant la sortie d’Egypte, les maisons des fils d’Israël étaient marquées de ce signe.

L’Egypte est le pays du mal d’où surgissent les malheurs. La coupe : traverser la mort pour arriver au salut et à la vie. Les vivants sont pleins d’une science parfaite figurée par les yeux dont ils sont couverts. Ils représentent la domination de Dieu sur les 4 axes du monde ou figurés par les animaux ailés qui sont le symbole des 4 évangélistes. Les 4 animaux – lion – taureau – aigle – ange – sont ailés parce qu’ils sont des messagers.

L’Agneau : l’Agneau de Dieu possédant toute connaissance : les sept yeux sont les fenêtres du cœur et les sept cornes donnent la toute puissance

Les anciens ne connaissaient pas l’existence du cerveau. Pour eux, le cœur est le siège de la volonté, de l’intelligence, de la mémoire, des sentiments. Les yeux permettent de voir et connaitre les sentiments.

Il a été mis à mort, mais il est vivant. Il assure la gloire de Dieu par son triomphe sur la mort. Allusion au Christ mort et ressuscité, rendant gloire au Père après son sacrifice.


Levons les yeux vers le Christ en croix …

C’est l’oeuvre du sculpteur Ramon qui a réalisé d’autres sculptures dans Villepreux, entre autre la mère et l’enfant à l’entrée de la ville et la fillette devant l’école Jean de Lafontaine.

La croix désigne la passion du Christ.   Elle   est devenue le symbole du christianisme.
La dimension   verticale : unit le ciel et la terre.
Dieu par son fils,   établit une relation d’amour entre Lui et les hommes
La dimension   horizontale : unit les hommes entre eux.
Le Saint Esprit   établit une relation d’amour entre les hommes.
Le Christ en croix accueille la totalité du monde dans les 4 directions. Le détachement de la croix du mur annonce la résurrection.


Une statue de Saint Vincent de Paul, qui était dans le jardin des religieuses dans le village, a maintenant regagné sa place dans l’église, à l’entrée au dessus du bénitier.

Terminons notre visite par les vitraux, créations de Robert Lesbounit également

 L’encastrement de l’église oblige les constructeurs à éclairer la nef par le toit. Six travées sont réalisées ; chaque verrière mesure 15 mètres de long et 2 mètres de haut. L’église est ainsi éclairée par une surface vitrée de 180 mètres carrés. La technique employée est la peinture sur verre.

Le principe décoratif consiste à créer des lignes sinueuses, accusant l’horizontalité et essayant de faire une synthèse entre une description figurative et un élément décoratif abstrait. Il y a aussi d’une travée à l’autre, une recherche d’alternance, de puissance et de calme, rendue par le choix des couleurs.


La Création du Monde

Décrite dans la Bible au premier chapitre de la Genèse est illustrée sur ces six verrières, chacune représentant les six jours de la création.

Ier jour : Création de la lumière

La main de Dieu crée la lumière au milieu des ténèbres. Elle s’affirme dans un arc-en-ciel.

2ème jour : Création des cieux et des eaux.

La rose des vents située au centre, sépare à l’ouest les nuages et la pluie, à l’est les cristaux de neige. L’univers en expansion peut naître. Dieu sépare : il met de l’ordre dans le chaos dans le monde alors que Satan met le désordre.

3ème jour : Création du règne végétal.

Expression de l’exubérance de la nature. Sur la gauche, la représentation de la terre, sur la droite la mer, et au centre l’arbre avec ses racines, les fleurs et le pollen.

4ème jour : Création des astres, étoiles, soleil et lune.

A gauche, la lune dont les différents quartiers sont figurés, les étoiles au centre, à droite le soleil; Ils rythment le temps.

5ème jour : Création des mers, poissons et oiseaux.

Représentation du foisonnement de la vie dans la mer et sur terre. Envol d’oiseaux multicolores et multitude de poissons.

6ème jour : Création monde animal et êtres humains.
Représentation  de la création de l’homme et de la femme.
(restaurée d’avril 2003 à juillet 2006)

 7ème jour : Dieu se reposa ,
ayant achevé l’ouvrage qu’il avait fait.
Dieu vit que cela était bon, Il le bénit et le sanctifie. 

Remerciements à Ghislaine Bertin pour les photos et les commentaires
D’après les documents originaux de Robert Lesbounit
conseillé par le Père Cosson, curé fondateur de la paroisse.

 Août 2013